3.2  Une préoccupation existe sur la procédure qui pourrait mener à l’adoption de couleurs martiniquaises.

3.2.1 Plusieurs possibilités sont évoquées

 

 Une « consultation » de la population ou « référendum ».

C’est le point de vue, par exemple, à titre personnel, de Marc SEFIL, ancien président et actuel délégué national de l’UMP. Opposé au pavillon aux quatre serpents et aussi au RVN. Il dit, par contre, ne pas être du tout opposé à l’adoption d’un emblème régional martiniquais. Selon lui, on pourrait solliciter les plasticiens là-dessus et soumettre une ou plusieurs propositions à la décision populaire. Il dit que cette démarche a l'intérêt d'être démocratique et de légitimer ce qui sera retenu.

Une critique formulée vis-à-vis de cette démarche est que « cela ne s’est jamais vu dans l’histoire » ; ce à quoi on peut répondre qu’il ne nous est pas interdit d’innover.

Une autre critique, plus sérieuse celle là, est de dire qu’il arrive qu’au cours des référendums, le débat ne soit pas forcément serein et qu’il soit faussé par des éléments du contexte et que, de ce fait, les gens répondent à d’autres questions plutôt qu’à la question posée.

 

 

Une décision par la CTM, après des débats élargis à toutes les forces vives de notre pays qui le souhaiteraient. 

C’est le point de vue développé par JONAZ Joslen dans son courrier en date du 19 janvier 2016 aux présidents de la CTM. (cf France-Antilles du 19/01/16)

C’est aussi le point de vue exprimé par Rodolphe DÉSIRÉ (Entretien du 7 juillet 2016 à la Mairie du Marin).

C’est aussi ce qui s’est passé en Guyane : créé en 1967 par le syndicat UTG (l’Union des travailleurs guyanais), il a été adopté officiellement en 2010 par le Conseil Général de la Guyane. Selon le président du Conseil général Alain TIEN-LIONG, celui-ci « devra flotter aux côtés des drapeaux national et européen ». 

On peut s’appuyer également sur l’exemple des débats menés en 1983 au Conseil Général pour le choix du 27 avril ou du 22 Mai comme date commémorative en Martinique de l’abolition de l’esclavage.

 

 

Il y a l’idée de la réunion d’une Convention martiniquaise réunissant tous les acteurs concernés, en vue de trouver un consensus. On peut rattacher à cette démarche celle qu’avait entreprise « L’espace indépendantiste » durant la fin des années 1990, et dont nous avons déjà parlé. C’est aussi la démarche ayant préparé la mise à l’ordre du jour de la question du drapeau par le Conseil Général de Guyane en 2010.

 

 

Et puis, il y a la démarche qu’on pourrait qualifier de « l’affirmation historique ». Selon elle, il faut considérer que le rouge-vert-noir est une réalité produite par l’histoire (comme le 22 Mai ou encore la langue créole…), qu’il s’agit aujourd’hui, non pas de choisir des couleurs mais de les faire connaître le plus largement possible afin d’enraciner leur reconnaissance et d’en faire une réalité incontournable. Cette démarche semble être celle du MODEMAS. C’est celle, exprimée par beaucoup d’autres acteurs (personnalités, associations, organisations politiques), avec la nuance toutefois qu’il pourrait y avoir des évolutions (ajouts de couleurs, apposition d’un autre symbole…) selon les circonstances historiques.

 

 

3.2.2  La reconnaissance officielle certes, mais surtout la reconnaissance populaire

Il est évident que, dans tous les cas, c’est à dire quelle que soit la démarche retenue, pour que les couleurs soient déployées officiellement, il faudra bien une décision par une Institution ayant capacité juridique. Par exemple, à l’échelle de la commune, à Sainte-Anne, il y a eu une délibération municipale. Au Prêcheur, la question est en débat. A l’échelle du territoire martiniquais, l’instance qui a autorité, c’est évidemment la CTM.

 

Maintenant, la reconnaissance officielle n’est qu’une possibilité. Le plus important est certainement la reconnaissance populaire. Son développement progressif peut entraîner des pans entiers de la société. Il peut aussi pousser des politiciens, des institutions, et aussi les médias … à « antré an disidans »,  à sortir du légalisme (défini par l’Autre) et à entrer en légitimité. C’est ce qui a permis au 22 Mai, à la langue martiniquaise, au danmyé-kalennda-bèlè, à l’histoire martiniquaise… d’émerger et de s’affirmer.

 

Ici, il faut peut-être aborder la notion de « consensus » qu’on mobilise parfois dans le débat. On comprend bien que le dialogue, la délibération, sont souhaitables afin d'arriver à un large consensus ! Encore faut-il s’entendre sur ce qu'on entend par consensus. S’il s’agit de l’unanimité, c’est assez difficile à rencontrer dans l’histoire de la naissance et de la stabilisation des drapeaux. On constate plutôt que, dans cette phase, ils rallient une partie de la population, celle qui va dans le sens de la cause qu’il représente. Le plus souvent, ils expriment le choix d'une majorité ou encore d'une masse critique significative. A défaut de l’unanimité, il est permis d’espérer qu’en Martinique, le rouge-vert-noir en l'état, ou encore avec un compromis respectueux de son poids historique et culturel, puisse rassembler la plus grande partie du mouvement anticolonialiste (relativement large), et peut-être même davantage, la plus grande partie du mouvement identitaire, pluriel aujourd’hui et beaucoup plus large, qui remet en cause l’assimilation.