Quelques questions à propos des couleurs et du drapeau rouge-vert-noir

Quelle est la signification de ces couleurs ? 

 

 

Le Rouge est la couleur de la volonté de vie, de progrès social et de liberté. Le Vert symbolise le lien à la terre et à la nature de notre pays, l’espérance d’une vie meilleure, la solidarité avec les peuples en lutte. Le Noir est symbole d’humanité et de culture, de lien à la civilisation africaine matrice, de solidarité avec les peuples noirs en lutte. 

 

 

 

En quoi sont-elles marqueurs de notre identité, personnalité, spécificité ? 

 

 

Ces couleurs sont porteuses de l’Energie historique et ancestrale de notre communauté. Parce qu’elles s’inscrivent dans la culture martiniquaise et caribéenne depuis bientôt quatre siècles (spiritualités et rituels, danses, littérature, plantes…). Parce qu’elles sont ancrées dans la civilisation matrice africaine depuis l’Egypte ancienne négro-africaine, et aussi dans la culture d’autres composantes de notre peuple. Parce qu’elles participent à l’histoire politique et sociale de notre pays depuis 1963, date de leur association en drapeau par Victor LESSORT. Parce que, brandies par des organisations de plus en plus nombreuses (culturelles, sportives, écologiques, politiques) et par nombre de citoyens, elles participent désormais à l’actualité et à l’affirmation de notre pays. 

 

 

 

Les couleurs rouge-vert-noir permettent-elles à toutes les composantes de notre peuple (et pas seulement à la composante africaine) de se retrouver ?

 

 

D’abord, il n’est pas absolument nécessaire qu’il y ait des éléments symboliques représentant chaque composante. Les couleurs emblématiques sont le produit des circonstances historiques. Par exemple, les couleurs bleu, blanc et rouge du drapeau français associent les couleurs de Paris et celles du Roi. Elles sont le produit de la révolution française. Il n’a pas été nécessaire d’ajouter les couleurs de toutes les villes ou provinces de France. 

 

D’autre part, rouge-vert-noir peut parler, symboliquement, à toutes les composantes de notre peuple : rouge et noir renvoient à des symboliques très fortes des civilisations asiatiques (indienne et chinoise), noir et vert opèrent de la même façon pour les influences du Moyen-Orient (sé sirien-an), le rouge pour la civilisation arawak/kalina (roucou) et pour la culture française (drapeau français, syndicalisme et socialisme).

 

 

 

Est-ce que « sé drapeau Malsa » ?

 

 

Garcin Malsa est un Martiniquais. C’est donc aussi son drapeau qu’il a le droit de lever et de défendre avec sa propre sensibilité. C’est ainsi qu’il a largement contribué à relancer, avec la municipalité de Sainte-Anne, à partir de 1995, une dynamique autour du drapeau. Cependant, cette action a produit aussi un effet pervers (dont Malsa, lui-même, se démarque) : les adversaires du rouge-vert-noir tentent de « ghettoïser » les couleurs et le drapeau en réduisant son histoire et sa défense à l’action de Garcin Malsa.

 

Tout en reconnaissant et en saluant la contribution de Malsa, il est nécessaire de dire qu’il n’est pas à l’origine des couleurs, qu’il n’en est pas le seul défenseur, encore moins le « propriétaire ». Cette contribution est un épisode de l’histoire du rouge-vert-noir qui s’inscrit dans un processus commencé depuis les années 1960. 

 

 

 

Est-ce que « sé drapo sé endépantis-la, dapo sé séparatis-la » ? 

 

 

Là aussi, une certaine confusion est entretenue.

 

Il est vrai que, historiquement, les nationalistes sont à l’origine, lors de l’affaire de l’OJAM en 1963, de l’association en drapeau des trois couleurs. Il faut entendre par nationalistes tous ceux qui reconnaissent l’existence du peuple et de la nation martiniquaise et son droit à l’autodétermination (indépendantistes, autonomistes, autodéterministes ne se prononçant pas pour telle ou telle stratégie politique). Certains disent que, de ce fait, les couleurs et le drapeau sont trop « connotés ». Cependant, les nationalistes font partie de l’histoire de la prise de conscience de notre Identité. Il n’y a donc aucune raison de les diaboliser, sous peine de mutiler cette histoire. Il faudrait alors rejeter aussi, comme trop « connotés », nombre de combats pour l’émergence et l’affirmation de l’identité martiniquaise (combats pour l’histoire martiniquaise, pour le 22 Mai, la langue créole, les danses et musiques racines...) dans lesquels les nationalistes ont joué un rôle pionnier. 

 

Aujourd’hui, tout comme les autres marqueurs de notre identité, les couleurs et le drapeau ne sont plus un emblème seulement pour le mouvement national. Ils interpellent désormais tous ceux qui affirment, avec leur sensibilité propre, une personnalité, une spécificité, une identité, une différence martiniquaise, un besoin et une exigence de reconnaissance de notre Être martiniquais. Cela se traduit par un engagement de plus en plus important de forces sans-parti pour le rouge-vert-noir.

 

 

 

Le rouge-vert-noir, officialisé, éliminera t-il le bleu-blanc-rouge ? 

 

 

Chacun (individu ou organisation), en fonction de ses opinions politiques, investit les couleurs rouge-vert-noir à sa manière. Actuellement, la Martinique fait partie du territoire de l’Etat français. Le bleu-blanc-rouge est le drapeau de l’Etat français.  Par conséquent, il flotte sur ce territoire. Le rouge-vert-noir cohabitera donc, avec lui, dans le cadre de l'Etat français. En sera-t-il toujours ainsi ? Cela dépendra des choix politiques des Martiniquais, pour l’avenir et dans l’avenir. Et cela, c’est une autre question.

 

 

 

Faut-il ajouter au rouge-vert-noir d’autres éléments, modifier la configuration actuelle ? 

 

 

Les couleurs et le drapeau rouge-vert-noir ont une dimension historique et culturelle incontestable. Leur implantation est aujourd’hui bien réelle. Ils sont « chajé », car compagnons des luttes pour l’Identité, la Justice et la Responsabilité. Ils apparaissent comme un socle incontournable sur lequel aucune évolution ne saurait faire l’impasse sans accentuer, de manière profonde, les divisions au sein du peuple.

 

Mais, sans ouvrir la boite de pandore, à partir de ce socle, il peut y avoir place, si nécessaire, pour un compromis permettant de recueillir l’adhésion la plus large. Nous disons si nécessaire, car avant d’aller vers des compromis et prendre le risque de nouvelles divisions ou de la dispersion, il faut informer et expliquer.

 

 

 

Peut-il y avoir un « consensus » pour l’officialisation du drapeau martiniquais ?

 

 

Bien sur, dialogue et délibération sont souhaitables pour un large consensus ! Mais qu'entend-on par consensus ? S’il s’agit de réaliser l’unanimité, c’est quasiment impossible à rencontrer dans l’histoire de l’adoption des drapeaux. Ce qu’on observe plutôt, c’est le ralliement d’une partie plus ou moins large de la population, celle qui va dans le sens de la cause que le drapeau représente. Le plus souvent donc, c’est le choix d'une majorité ou d'une masse critique significative. 

 

A défaut de faire l’unanimité, les couleurs et le drapeau rouge-vert-noir en l'état, ou encore avec un compromis respectueux de leur poids historique et culturel, peuvent rassembler la plus grande partie du mouvement anticolonialiste (relativement large), et du mouvement identitaire (pluriel aujourd’hui et beaucoup plus large) qui remet en cause l’assimilation. 

 

 

 

Une « consultation populaire » (une sorte de « référendum »), est-elle la procédure la plus démocratique, seule à même de légitimer les couleurs et le drapeau rouge-vert-noir ?

 

 

Rien n’est moins sur.  D’ailleurs, cela ne s’est jamais vu dans l’histoire. Et pourquoi donc ?

 

 

- On sait bien que, le plus souvent, au cours des référendums, le débat n’est pas forcément serein et qu’il est souvent faussé par des éléments du contexte économico-social et politique. Aussi, les gens répondent-ils à d’autres questions plutôt qu’à la question posée. 

 

 

- Cette consultation populaire interviendrait, pour certains, après un appel d’offres et sur la base de propositions de plasticiens, voire d’un concours entre eux. Mais un drapeau, au delà d’un vote formel, est porteur d’une dynamique collective enracinée dans l’histoire. Quelle légitimité aurait un drapeau qui ne serait pas enraciné et validé par l’expérience de notre peuple, qui ne serait que le résultat d’un concours d’expressions et d’imaginaires individuels, sur un court terme, de quelques artistes ? 

 

 

- Il y a aussi le risque non négligeable de créer une profonde division au sein de notre peuple dans la mesure où, le rouge-vert-noir étant déjà si profondément implanté, toute proposition qui ne tiendrait pas compte de lui serait rejetée par une large fraction de la population.

 

 

 

Quelles autres voies existent ? 

 

 

- L’autre procédure, proposée par certains, est celle d’une décision par la CTM, après des débats élargis à toutes les forces vives de notre pays qui le souhaiteraient.  C’est, par exemple, la voie suivie en 1983 pour choisir entre le 27 avril et le 22 Mai comme date de commémoration de l’abolition de l’esclavage en Martinique.

 

 

- Toutefois, quelle que soit la procédure qui sera choisie, l’expérience historique montre que l’essentiel est la reconnaissance populaire, « l’affirmation historique ». Son développement avant l’officialisation, et après elle, est seul à même d’entraîner progressivement des pans entiers de la société et de pousser les politiciens, les institutions, les médias, les individus à « rantré an disidans »,  à sortir du cadre mental défini par l’Autre et à entrer en légitimité. Les exemples, en Martinique, de la reconnaissance de notre histoire, du 22 Mai, de la langue, du danmyé-kalennda-bèlè… en attestent largement. 

 

 

 

 

 

 Martinique, décembre 2017

 

Liannaj Rouge-vert-noir

woujvernwe@gmail.com

 

rouge-vert-noir jimdo.com